3. UNE CIVILISATION MATERIELLE

3 UNE CIVILISATION MATERIELLE

Le site néolithique des Moulins a livré un matériel abondant et divers, illustrant différents aspects de la vie quotidienne des hommes du chasséen.

3.1 LA CERAMIQUE

D'un point de vue archéologique, l’étude de la céramique représente un vaste champ d'observation. Plusieurs approches sont possibles :

La poterie véhicule le message de l'identité culturelle d'un groupe. La culture chasséenne qui a duré plus d'un millénaire a évolué dans le temps et l'espace. Les critères typologiques, chronologiques ou régionaux se mêlent, rendant l'interprétation souvent incertaine. Retrouvés dans les fosses ayant servi de dépotoirs, de sépultures ou d'aires d'activités, les milliers de tessons ont permis lorsqu'il y avait présence d'un bord, d'une carène ou d'un élément de préhension, de reconstituer les formes d'une centaine de récipients.

La céramique chasséenne, toujours d'excellente qualité, présente une unité très forte, tant d'un point de vue de la technique, que du répertoire des formes et des décors.

Les pâtes sont souvent bien cuites et régulières. Trop fines pour avoir été montées au colombin, les parois semblent attester des techniques de l'estampage ou du montage par panneaux. Elle est ensuite lissée et polie. Les fonds sont systématiquement ronds : il faut donc imaginer ces récipients posés à même le sol meuble ou sur des calages de pierres, des supports en matière périssable, éventuellement suspendus; la table semble exclue. Les formes et les volumes donnent des indications sur l'usage:

On observe peu de traces directes de feu sur les pots : la cuisson des aliments se faisait donc rarement à la flamme directe mais en plaçant les récipients sur des foyers constitués de pierres préalablement chauffées.

Les céramiques du site des Moulins ne portent généralement pas ou peu de décor : quelques rares lignes incisées sur des coupes tout au plus. C'est une constante chasséenne que de porter la créativité plutôt sur le profil de l'objet (carène, profil en S... ), le polissage, le lustrage externe et la variété des moyens de préhension (languettes, boutons simples, boutons perforés qui permettent d'imaginer une suspension du pot... ). Ce type de céramique se rattache à un vaste ensemble stylistique commun à l'Italie du Nord-Ouest, la Vallée du Rhône, le Languedoc et la Provence.

L'étude de la composition pétrographique d'une centaine de vases du site a montré au moins trois origines différentes des terres. Aucune ne semble issue du site même, les provenances seraient de l'ordre de la dizaine de kilomètres. Une très grande variété de la composition des vases laisse supposer des fabrications dispersées, dont les produits auraient, à un moment donné, été amenés sur le site.

Différentes formes de céramique :

coupe assiette jarre
pot marmite  

Céramique chaséenne des Moulins

Assiettes et écuelles :

Pots :

Coupes :

Jarres et marmittes :

Contenu de la fosse 69 : sépultures collectives de 5 adultes :

3.2 INDUSTRIE LITHIQUE ET OSSEUSE

L'industrie lithique chasséenne marque la redécouverte d'une technique laminaire très perfectionnée qui existait au paléolithique supérieur et qui s'était perdue au néolithique. Au chasséen on chauffe la lame avant débitage ce qui permet de produire de grandes lames d'abord incurvées et convergentes. Le débitage se fait par pression avec chasse-lame généralement en os.

L'outillage en silex est relativement peu important sur le site. On a dénombré seulement 129 objets en silex ayant servi d’outils et environ 400 déchets de débitage. Cette série lithique est typique du chasséen méridional. La technique de taille permet d'obtenir des séries de lames régulières, solides et tranchantes. La plupart ont été utilisées, sans retouche, pour leur qualité tranchante, éventuellement emmanchées dans du bois. De légers esquillements sur les bords témoignent de leur usage. Parfois une brillance particulière indique que la lame a servi à couper des céréales qui ont déposé sur l'outil un vernis de silice : on parle alors de "lustré des céréales". D'autres lames, ou plus rarement des éclats, ont été mises en forme par une retouche afin de constituer des outils bien spécifiques (on en a identifié 52 au total parmi les 296 silex ayant été utilisés) : grattoirs, perçoirs, burins, pointes de flèches. Tous ces outils sont pour la plupart fabriqués en silex blond qui proviendrait du sud de la Drôme ou alentours du Mont Ventoux. C'est un silex à grains fins, d'excellente qualité, typique du chasséen méridional.

Toutes les étapes de fabrication ne sont pas retrouvées dans la même proportion sur le site. L'analyse des éléments en silex retrouvés sur le site montre que la matière première a été apportée essentiellement sous forme de lames brutes ou de nucléus prêts au débitage. Les blocs de silex bruts ou sommairement dégrossis sont, en effet, absents; cette première étape se faisait donc ailleurs. L'essentiel du débitage s'est fait sur une aire de taille, peut-être sur le lieu d'extraction du silex. La mise en forme définitive, elle, a pu être effectuée sur place, du moins en partie.

Nous pouvons considérer deux ensembles d'outils :

Les outils façonnés :

Ils sont peu nombreux et se concentrent dans une dizaine de fosses seulement. Ils semblent correspondre à un outillage courant mais toujours de petite taille : grattoirs en bout de lame, troncatures, burins, pièces bifaciales...

Les lamelles à retouche "grignotée" marginale :

Cet ensemble de produits non façonnés est le mieux représenté sur le site. Les pièces sont présentes dans toutes les fosses, sans distinction de types morphologiques. Si nous considérons que ces micro-enlèvements correspondent à une retouche d'utilisation, il semble donc que l'essentiel des produits de débitage, ayant servi d'outils, ont été utilisés bruts sans façonnage préalable. Ce sont des produits très minces et fragiles, qui ne peuvent non plus avoir servi à de gros ouvrages.

Ce classement reste très fragile pour deux raisons :

Un outillage en os complétait la boite à outils du néolithique. Jamais très important en nombre, il se monte, sur le site des Moulins à vingt-sept outils seulement. Ils sont tous réalisés sur des os d'animaux domestiques : métapodes et tibias de chèvre ou de mouton, côtes et os longs de boeuf. Aucun ossement d'animal sauvage n'a été utilisé, ce qui doit bien sur être corrélé avec le fait que la chasse n'est pas attestée aux Moulins.

Industrie lithique des Moulins :

3.3 LES INSTRUMENTS DE MOUTURE ET D'ABRASION

Les fosses chasséennes du site des moulins ont livré une série particulièrement abondante de 150 fragments de meules, molettes ou broyons, généralement en grès, pour lesquels on dénombre seulement une vingtaine d'éléments entiers. Cet outillage est classique du néolithique. Il est lié à la culture des céréales (transformation des graines en farine) et au développement de la technique du polissage. Les instruments étaient également utilisés pour le broyage des pigments et dégraissants à céramique ainsi que pour l'abrasion des os d'animaux transformés en outils. Le broyage s'effectuait sur de grandes pierres plates ou incurvées, fixes : les meules dormantes, à l'aide d'une molette, pièce de section hémi-cylindrique que les mains faisaient aller et venir sur la meule, ou d'un broyon que l'on actionnait verticalement. La farine ou la poudre était recueillie sur une peau ou dans une coupe au pied de la meule.

A Saint-Paul-Trois-Châteaux la très grande fragmentation de ces objets soulève des interrogations. L'hypothèse des objets brisés jetés dans des fosses dépotoirs ne peut tout expliquer. Il y a manifestement un bris volontaire des meules. Faut-il y voir un rituel symbolique : l'outillage, non transportable est neutralisé pour bien marquer l'abandon définitif du site, ou provisoire dans le cas de la meule retournée de la fosse 59. Ce type de pratique est attesté par l'ethnographie et parait, pour l'instant, être l'explication la plus plausible.

Instruments de moutures et d’abrasion :